Mon poème ne m’appartiens pas. Je ne le connais pas, je ne l’ai pas appris, on ne me l’a pas offert. Pourtant, il est là, de toute éternité. Libre. Il ne revendique pas. Il chante, fait danser les mots dans un flottement aérien. Discret mais fier, candide et inexpérimenté, rageur sans colère, il virevolte sans fin.
Mon poème est une mer. Calme, limpide. Il incite à la rêverie,à la sérénité. Son ondulation féline m’emporte. Je le laisse divaguer au gré de ses tendres aller-retours. Il se transforme, devient Océan, tempétueux, monstrueux, glouton. Ogre insatiable, il me dévore et me rejette.
Mon poème est une fleur, le coquelicot. Fragile, malingre, souple et sensible. Une main le cueille, mon poème meurt. Lorsqu’on le regarde, on le voir s’épanouir. D’un bouton apparaissent des pétales tout fripés, rouges et noirs, vie et mort. Mon poème nait déjà vieux. Mais éclatant, rieur, cynique même.
Mon poème est une couleur, le rouge. Celui du feu, celui du sang, celui du soleil avant qu’il ne se noit. Mon poème crie, saigne, vit. Il réchauffe et réconforte. Il brille, il brûle, il rassure, il me bouscule et m’engourdis. Mon poème est mille.
Mon poème ne me voit pas, ne m’entend pas, ne me parle pas. Je hurle à mon poème de devenir moi. Il m’ignore superbement. Je dois laisser vivre mon poème.